Par Henri Perrier
Pour ce premier vol nous avions établi un programme d’essais peu ambitieux que l’on peut schématiser ainsi : un grand tour de piste sans changement de configuration. Le déroulement du vol ne fit pas apparaître de différences significatives par rapport au comportement simulé sauf que celui-ci était très imparfait dans la prise en compte de l’effet de sol.
L’ensemble des systèmes vraiment les plus nouveaux fonctionnèrent comme escompté : commandes de vol en mode électrique, stabilisateurs, régulation des réacteurs, automanette. Un système « secondaire » fut le seul affecté par des pannes successives : le conditionnement d’air. Sur le prototype, le conditionnement était assuré par trois groupes, au lieu de quatre sur les avions de série. Dans la phase après la mise en route : impossibilité d’ouvrir la vanne de prélèvement de l’un des trois ; en cours de vol, perte d’un deuxième groupe sans parvenir à le récupérer ; la fin du vol fut donc effectuée avec le conditionnement assuré par le seul groupe restant. Compte tenu de l’importante dissipation thermique des équipements de l’avion et de ceux de l’instrumentation d’essais, ceci entraîna une augmentation rapide de la température en cabine et dans les meubles électroniques.

© Airbus Heritage 1969
La réussite du vol reposa sur les qualités du premier pilote André Turcat et la parfaite connaissance des systèmes, encore peu éprouvés, par Michel Rétif. La présence de Jacques Guignard en deuxième pilote apportait à l’équipage un facteur d’équilibre par son calme, sa vigilance et son expérience d’essais sur de nombreux appareils. Je rappelle qu’il effectua, pour la SNCASO, le premier vol des avions suivants : SO8000, SOM1, SOM2, SO6021, 6025 et 6026 Espadon, S04050 Vautour, SO9000 Trident.
Ma fonction d’ingénieur d’essais dans ce vol fut très secondaire : assurer la surveillance et le bon fonctionnement d’une instrumentation d’essais ambitieuse et jouer le rôle d’un « secrétaire technique » pour faciliter l’exploitation ultérieure des divers enregistreurs.
En ce dimanche soir, après ce premier vol, nous avions franchi avec succès une étape symbolique et savions que tout restait à faire pour atteindre les objectifs du programme mais n’imaginions pas qu’il faudrait plus de six ans de travail acharné pour parvenir à la certification de l’avion de série, si différent – en dehors des formes générales – du prototype.
La mise en scène médiatique de ce vol fit, qu’après l’atterrissage, l’avion vint stationner sur le parking de l’aérogare de Blagnac et non sur celui de l’usine de Saint Martin dont nous étions partis. Ceci priva l’équipage de la possibilité de partager sa légitime satisfaction professionnelle avec ceux des essais en vol, du bureau d’études et de la piste qui avaient tant travaillé depuis des années pour nous permettre d’être les « vedettes » d’un jour.
HP
« La machine vole et elle vole bien ! »

© Airbus Heritage 1969