Guy Pophillat fait partie de la première équipe d’Air France détachée à la Servair à Roissy. C’est une carrière brillante qui commence alors pour cet homme qui va doser humilité et rigueur avec une pincée d’autorité dans une immense chaleur humaine.
Je vais vous raconter une partie de l’histoire de la Servair, cette société pour laquelle il va s’investir totalement pendant plus de vingt ans en mettant toutes ses forces au service de son talent.
C’est donc le 9 novembre 1971 qu’Air France crée la Servair. Cette société sera chargée de l’approvisionnement et du nettoyage des avions de toutes les compagnies internationales qui font escale à Roissy, dès son ouverture en avril 1974. Compte tenu de l’importance et de la variété de ses besoins, Air France met en place à Roissy des agents du service hôtelier d’Orly (CARH).
Le 23 mai 1974 c’est le baptême du feu pour Guy. Air France inaugure le premier Paris – Londres en A300, il y a 250 invités à bord et vous imaginez cette petite équipe qui va produire tous ces repas dans des conditions nouvelles, personnel, locaux et les transporter dans un nouvel aéroport. C’est une réussite, Guy devient alors très vite le responsable de la « plus grande cuisine trois étoiles de notre compagnie ».
Je l’ai rencontré en 1975, à la belle époque du 707. Guy, un homme d’Air France, a su gagner la confiance de toutes les spécialités chargées de la réussite de son métier. Robert Durin nous réunissait, à la Servair, pour les grandes messes de la Division. Guy nous attendait à l’entrée de la petite salle à manger où se tenait le pot traditionnel, il était là, allant de l’un à l’autre avec son beau regard de gourmandise.
En 1976 sa passion va changer de dimension. Son nouveau et audacieux challenge : contribuer à faire de Concorde la référence en matière de service à bord.
Avec les chefs PNC des premiers vols puis ceux de la merveilleuse époque des vols spéciaux, il va enfin réaliser son rêve, réunir tous les acteurs du vol pour assurer la réussite complète de sa mission. Bien sûr Claude Monpoint et Michel Caudron seront ses amis, mais aussi ses modèles en matière d’organisation pour les séquences de repas et ses complices pour tout savoir de l’ambiance à bord et de la réaction des passagers. Son domaine de bonheur, les vols présidentiels, tour à tour pour lui la 100 Fox ou le Mitterrand. Dans les derniers mètres du roulage de Concorde à l’arrivée, je le voyais, près de la petite voiture Servair. Je pouvais alors annoncer à l’équipage : « Guy est à l’heure pour le contrôle de caisse ». Au cours de cet instant magique de la fin du vol, à l’arrière de la cabine, il était là au milieu de l’équipage, il voulait tout savoir, il allait du sourire de soie des hôtesses aux hommes des galleys, ses cuisiniers des nuages. Il récompensait ainsi son insatiable curiosité. Cet homme de caractère, quelque fois bourru, venait découvrir le monde dont il rêvait : faire partie de l’équipage du plus bel avion du monde.
Son plus mauvais moment présidentiel, se déroule au départ du vol Mitterrand le 12 septembre 1985. A la suite de deux demi-tours au sol, le SD, en version présidentielle, est remplacé par le FB en réserve. L’équipe de Guy assure, en un temps record, le transfert de l’armement et l’AF100F quitte Roissy pour Cayenne via Dakar. A la fin des réparations, Guy visite le SD, et soudain ce grand gaillard explose avec son habituel « ça va pas, non ? » suivi de « ils ont fauché le jambon du Président ». Edouard et Pierre quitteront Roissy vers Cayenne tout sourire avec le SD présidentiel, un autre jambon de Bayonne et la dernière édition du « Monde » !
Guy tire sa révérence le 21 mars 2008 dans l’immensité du ciel de Concorde. La révérence est le juste mot, le juste geste et la belle image qui évoquent si bien la personnalité tissée de courtoisie et d’humilité de cet homme tout simplement fou de son métier.
Je suis fier d’avoir eu la chance d’être l’ami de Guy et de Claire, son épouse, et le bonheur d’avoir participé aux mariages des enfants du clan Pophillat.
Edouard Chemel