Par Claude Monpoint
Chef PNC Concorde
Claude Monpoint a participé à de nombreux vols en tant que chef de cabine pour le compte d’Aérospatiale bien avant la mise en ligne de l’avion par Air France.
En 1974, il participe à la campagne de froid qui se déroule à Fairbanks dans un froid polaire, du 7 au 19 février. L’objectif est de tester l’appareil en conditions de froid sévère. Le Chef de Mission est André Turcat, l’autre pilote est Jean Franchi, l’officier mécanicien Yves Pingret, l’ingénieur en vol Claude Durand. Claude Monpoint, détaché par Air France assure les fonctions de chef de cabine, il est assisté par trois PNC d’Aérospatiale.
Dans l’extrait ci-dessous, Claude Monpoint nous parle du vol retour vers Toulouse au cours duquel André Turcat souhaitait survoler le pôle Nord ce qui, semble-t-il, n’était pas du goût de Jean Franchi. Un rappel technique préalable : la difficulté quand on survole le pôle Nord, c’est … qu’on perd le nord ! Tous les caps sont au sud ! Les centrales de navigation inertielles continuent à fonctionner mais elles sont en désaccord, chacune d’elle ayant une erreur de navigation qui lui est propre. En approchant du pôle, les caps et routes vont donc fortement diverger au risque de perturber l’équipage. Voir basculer l’ensemble des indicateurs de cap et se multiplier les signaux d’écart de navigation durant quelques minutes est toujours un moment intense surtout dans un lieu aussi désolé.
PG
Dans une pièce de l’aéroport se tint la séance de préparation du vol retour ; j’avais le privilège d’assister assez régulièrement à ces séances. Cela m’enrichissait et me faisait ainsi connaître la « route suivie ». André Turcat me pose cette question : « Claude, avez-vous déjà survolé le Pôle Nord ? » je lui réponds : « Plusieurs dizaines de fois » (en effet, à Air France, j’avais été affecté pendant plusieurs mois à Anchorage, escale technique sur la route du Japon et en arrivant de Paris, nous survolions fréquemment le Pôle). « Eh bien, reprend André Turcat, moi je ne l’ai jamais fait et c’est l’occasion de le faire ». Jean Franchi se met en colère. Il lui rappelle que le survol du Pôle Nord rallonge la route, que l’avion n’est pas en bon état et que l’essentiel est de le ramener à Toulouse. André Turcat se tourne vers lui et lui rétorque : « le Chef de Mission, c’est moi et j’ai décidé que nous ferons une verticale Pôle Nord ». Franchi furieux, quitte la pièce après avoir littéralement « balancé » le dossier de vol à l’extrémité de la table où se tenait Turcat. Le vol Fairbanks – Keyflavik – Toulouse sans passagers ne posa aucun problème … mais nous trouvâmes le temps très long … et combien l’ambiance à bord était tendue !
J’avais l’habitude, à chaque arrivée, après la descente de tout l’équipage, de passer l’inspection de l’appareil pour m’assurer que rien n’avait été oublié à bord : dossiers sur les pupitres des ingénieurs en vol, sacoches etc. Je croisais André Turcat en arrivant à la porte avant gauche. Etonné, je lui dis : « vous n’êtes pas encore descendu ? » « Non, me répondit il, mais vous, vous pouvez descendre ». Ce que je fis. Intrigué, j’attendis quelque temps au pied de l’escabeau … Quelle ne fut pas ma surprise de voir André Turcat ouvrir sa sacoche et en sortir une grande bande de toile et la « scotcher » au-dessus de la porte. On pouvait lire : « We flew over the northern pole ». Il prit la pose et le photographe fit son œuvre … Ce dernier devait être dans le secret … Souvenir de voyage ? Pourquoi pas ?
CM
André Turcat témoigne sur le site « lesvolsdeconcorde » de la manière dont il a traité la question
Info du site lesvolsdeconcorde
Souvenir philatélique non transporté sur le vol et signé par André Turcat, les mécaniciens navigants Ugo Venchiuratti et Yves Pingret, les ingénieurs navigants Claude Durand et Jean Conche et le Chef de Cabine Claude Monpoint. Info du site lesvolsdeconcorde