Par Gérard Duval
Les pannes sur Concorde étaient plus fréquentes que sur les autres appareils mais c’étaient pour la majorité des pannes mineures et dans ce cas la redondance des circuits et les circuits de secours permettaient de résoudre le problème, les passagers n’étaient pas informés, seule une indication du nombre de Mach était visible en cabine. Il est une panne peu fréquente mais qui ne pouvait passer inaperçue : le pompage d’entrée d’air en vol supersonique.
L’entrée d’air joue un rôle très important en vol supersonique pour fournir le débit d’air adapté à la demande du réacteur. Pour cela elle comporte deux rampes mobiles contrôlées en automatique par 2 calculateurs indépendants (Lane A et B). Elles s’abaissent pour former un système d’ondes de choc stable quand le Mach augmente. Le débit d’air est ainsi ralenti à vitesse subsonique avant l’entrée du réacteur. Le pompage survient lorsque le débit dépasse le seuil de tolérance admissible, il se produit alors une sorte de phénomène répétitif, des bruits d’explosion plus ou moins forts accompagnés de vibrations de la cellule. Pour Gilbert Defer, pilote d’essai Concorde, la meilleure description sonore est une rafale de coups de canon.
En avril 2002 je suis sur le vol AF 002 avec Roland Commandant de Bord et Lucien Officier Mécanicien Navigant. Nous sommes en montée supersonique réchauffes coupées. En passant Mach 1,9 au niveau 490, le gong résonne avec une alarme rouge « INTAKE » (entrée d’air) sur le moteur 3. Nous engageons aussitôt la fonction maintien du Mach au pilote automatique. Sur le panneau mécanicien les deux voyants Lane A et B sont allumés, Lucien est en train de vérifier les capteurs numériques (Sensor Unit) avant de passer en mode manuel quand un violent pompage se produit. Nous réduisons les quatre moteurs à 96 %, régime qui avait permis de faire cesser le pompage lors d’un vol précédent. Effectivement le pompage cesse puis reprend quelques secondes après, nous appliquons alors la procédure pompage : réduction complète des quatre moteurs pour arrêter le pompage, puis descente au pilote automatique du niveau 490 vers le niveau 450 que nous rejoignions à Mach 1,6. Nous remettons alors la poussée sur les moteurs 1 et 4 puis sur les 2 et 3, l’entrée d’air du moteur 3 fonctionne à nouveau correctement. Nous utilisons à nouveau les réchauffes en palier jusque Mach 1,7 et reprenons la montée à la vitesse maximale.
Roland prend le temps de faire une annonce aux passagers et de leur donner quelques explications sur ce qui s’est passé. Le vol se poursuit jusqu’à destination sans autre problème ni retard sur l’horaire.
GD