Par Jean-Claude Boudinot
Major de Gendarmerie ER
Voyager gratuitement, certains passagers y sont parvenus, même sur Concorde. C’était l’époque où les billets étaient rédigés manuellement et où la fraude était facile à condition de s’être procuré des liasses de billets vierges. Jean-Claude Boudinot était, au moment des faits, officier de police judiciaire et commandait la Brigade de Recherches de l’aéroport Paris Charles de Gaulle. Il nous parle ici des … FIM et de leur utilisation supersonique !
En janvier 1989, un agent Air France du service comptabilité trouve curieux de retrouver des « FIM » de la compagnie TWA sur un vol Concorde. Un billet d’avion « FIM » (Flight Interruption Manifest) est un document de passage au même titre qu’un billet classique. Il est manuscrit et n’est généralement pas numéroté. Il n’est délivré qu’aux passagers ayant interrompu leur vol pour des raisons indépendantes de leur volonté, notamment pour des raisons techniques. Ce billet est cependant interdit sur les vols Concorde, compte tenu de la spécificité hors classe de cet appareil.
Après recherches, il s’avère que 15 FIM frauduleux ont été utilisés en 1988, 40 en 1987 et 12 en 1986. Le 06 janvier 1989, le représentant AF dépose plainte près de la Brigade de Recherches de la Gendarmerie des Transports Aériens de l’Aéroport Paris Charles de Gaulle. Les recherches se poursuivent et fin janvier 1989 le nombre de FIM frauduleux s’élève à 68. Ils ont permis à 105 personnes de voyager gratuitement sur Concorde. Le préjudice s’élève alors à 1.119.000 francs. L’escroquerie se poursuivant et le préjudice ne cessant d’augmenter, le Procureur de la République de Bobigny décide d’ouvrir une information. Le 24 février 1989, le juge d’Instruction saisit, par Commission Rogatoire, les mêmes enquêteurs. À charge pour les Officiers de Police Judiciaire de poursuivre les investigations et de procéder aux interpellations.
Les enquêteurs décident de se présenter à chaque clôture du vol quotidien supersonique CDG – JFK et d’en contrôler les billets avant l’embarquement des passagers ; ils cherchent à déceler la présence éventuelle de FIM. Le 27 mars 1989, les enquêteurs se présentent plus tardivement au terminal A et constatent que Concorde est déjà au roulage. Dans la pochette de vol, trois FIM sont découverts aux noms de personnes déjà connues. Ce retard involontaire des enquêteurs va être bénéfique pour la suite de l’enquête et précipiter son dénouement : une jeune cadre d’Air France nouvellement arrivée de l’escale Air France Kennedy se propose d’appeler un ancien du FBI, qui travaille pour Air France Kennedy. Elle lui demande de poursuivre l’enquête. L’ex-agent fédéral, n’ayant rien perdu de l’ABC de son métier de base, identifie à leur arrivée ces drôles de passagers, les localise dans un appartement de Broadway à New York, où la police locale les interpelle.
Après avoir reconnu les faits, ils décident de collaborer et dénoncent le fournisseur des billets. La perquisition amène la découverte chez un ex-employé de la compagnie TWA de 256 billets FIM vierges. Il reconnaît être, entre autres, l’auteur du vol de 500 billets vierges au comptoir TWA de l’aéroport Kennedy courant janvier 1987. Il précise avoir vendu les billets 400 dollars pièce aux personnes identifiées et interpellées à New York et à Paris par les militaires de la Brigade de Recherches Paris Charles de Gaulle.
Le préjudice total subi par les compagnies TWA et Air France s’élève à 6.625.800 francs.
JCB
Photo, ayant pour but de montrer l’activité des militaires de la Gendarmerie des Transports Aériens sur un aéroport international. © Jean-Pierre Mongaudon