PEDAGOGIE DE L’ATTERRISSAGE CONCORDE

Par Mike Riley
CDB Instructeur Concorde à British Airways

Mike Riley fut CDB et instructeur Concorde à British Airways. En 1990, il rassemble les différentes notes et schémas qu’il utilise pour faire comprendre, à ses stagiaires, le pilotage de Concorde. Elles font l’objet d’un livre intitulé « The Concorde Stick and Rudder book » qu’on peut traduire par : Introduction à la conduite « pied et manche » de Concorde.

Dans sa préface, Mike Riley précise que ce livre est écrit pour les pilotes de Concorde mais que comme cet avion intéresse un grand nombre d’enthousiastes de par le monde, il espère qu’il sera lu aussi par ceux qui n’auront pas la chance de s’asseoir dans le pointu et d’y aller. Il se dit convaincu que la conduite d’un avion est plus aisée si son pilotage de base est étudié et abordé comme un sujet à part entière, comme les systèmes et les procédures.

Sont ainsi étudiés, sur un plan uniquement manœuvrier, les différentes phases du vol, en commençant par le roulage. J’ai choisi de vous présenter quelques pages qui traitent d’un moment très particulier sur Concorde : l’atterrissage et la maîtrise de l’effet de sol. Cette phase qui va de 200 pieds au toucher des roues en a certainement dérouté plus d’un. C’est elle qui colle le plus à la définition du pilotage, telle que donnée par Mike Riley : « It is stick and rudder stuff ».

PG

Augmentation de la portance fonction de la hauteur

En considérant une assiette constante, l’augmentation de la portance [traduite en pieds par minute ndlr] est fonction de la hauteur du bord de fuite (TE : trailing edge).

Par chance, le bord de fuite est à peu près à 4 pieds au dessus des roues du train principal (sinon, on aurait des difficultés à atteindre le sol). On peut donc utiliser la même courbe et voir qu’entre 15 pieds et le toucher des roues, l’effet de sol atteint 700 fpm (pieds par minute).

Conclusion

Si l’avion passe 15 pieds à 700 pieds par minute, si l’assiette reste constante et que les manettes sont réduites d’une manière raisonnable, la mise en palier sera obtenue à exactement 0 pied et un excellent toucher des roues en résultera. Une approche normale descend à 850 pieds minute aussi un très léger ajustement d’assiette est nécessaire avant 15 pieds pour obtenir ce bel atterrissage.

L’attitude normale d’approche est de 10,5°. A 20 pieds, cabrez d’un demi-degré et maintenez 11° d’assiette entre 15 pieds et le sol. C’est tout.

La machine atterrit donc toute seule ? Lisez la suite …

Pourquoi faut-il tirer le manche en arrière ?

Durant un vol stabilisé (exemple en approche), la somme des forces verticales est appliquée au centre de gravité. L’assiette ne bouge pas.

Si on néglige l’effet de réduction de la poussée lors de l’arrondi et si la portance supplémentaire due à l’effet de sol agissait au centre de gravité alors effectivement, l’avion atterrirait tout seul.

Mais à cause de la forme de l’aile et de l’attitude de l’avion, le surcroit de portance fourni par l’effet de sol est plus fort derrière le centre de gravité. L’avant de l’aile est, à la fois haut et étroit, la partie la plus large de l’aile (à l’arrière) est très près du sol.

Le surcroit de portance peut être ainsi schématisé :

Ce que l’on peut représenter ainsi :

Si l’on veut éviter que l’avion pique du nez avec pour conséquence une perte de portance importante, le profil de l’aile doit être changé pour que le surcroit de portance lié à l’effet de sol reste positionné au niveau du centre de gravité de l’avion.

La demande à cabré est fonction du surcroit de portance, c’est-à-dire que plus on est près du sol, plus on doit braquer la commande d’élevon vers le haut.

Si l’attitude reste constante, le supplément de portance lié à l’effet de sol agira à bon escient c’est-à-dire au niveau du centre de gravité.

A première vue, il peut sembler très difficile d’accorder le cabré des élevons avec la hauteur des roues au dessus du sol. Par chance, à partir du moment où les 15 pieds sont passés correctement et que la demande à cabrer se fait approximativement au bon taux et de manière continue, la manœuvre d’atterrissage s’ajuste d’elle-même.

En effet, un mouvement plus rapide des élevons vers le cabré va déplacer plus rapidement vers le bas le centre de gravité à une hauteur où l’effet de sol sera plus important et capable de contrer l’effet destructeur de portance des élevons. L’inverse est vrai et, dans des limites acceptables, un mouvement plus lent des élevons amènera les roues principales au même bon atterrissage en suivant une courbe différente entre 15 pieds et le sol.

Extrait de « The Concorde Stick and Rudder Book” de Mike Riley. A handling Guide for Pilots … of all Kinds. ». Livre transmis à l’APCOS par Edouard Chemel.

enfrdees