La première étape sur la route de Mach 2 est évidemment le passage de Mach 1, c’est-à-dire le moment où l’avion vole plus vite que le son qu’il produit ce qui entraîne une modification complète des lois aérodynamiques. Les principaux problèmes de ce que l’on appelait « le mur du son » étaient alors connus et maîtrisés sur les avions d’arme. Il s’agit d’une brutale augmentation de la résistance à l’avancement associée à un rapide déplacement vers l’arrière de la force de sustentation. Ce dernier phénomène tend à déséquilibrer l’avion en le faisant piquer. Simultanément, les gouvernes perdant une grande partie de leur efficacité, le maintien de l’équilibre de l’avion requiert de plus grands débattements. Or Concorde se différencie des avions d’arme supersoniques par la taille et la souplesse de sa structure. Comment va réagir aux efforts, l’immense aile delta ?
Jean Pinet, responsable des essais de Qualité De Vol, fut le pilote de ce vol historique. André Turcat était à droite, Michel Rétif en place mécanicien navigant et Henri Perrier au poste ingénieur. Un équipage réduit aux acteurs incontournables.
A l’arrivée, l’équipage fête cette grande première.
De gauche à droite André Turcat, Michel Rétif, Jean Pinet et Henri Perrier.
©Airbus Heritage
Jean Pinet nous parle de ce vol si spécial : « le 1er octobre, nous décollons avec le 001 et nous montons rapidement à l’altitude de l’essai. La visière est relevée et le cockpit devient relativement silencieux, dans une ambiance de sous-marin car la visière du prototype est métallique et ne permet qu’une vision parcimonieuse vers l’avant. Dans les vols précédents nous étions allés progressivement dans le haut subsonique et nous nous étions arrêtés à l’apparition du phénomène d’instabilité en vitesse, lorsqu’il faut tirer sur le manche alors qu’on accélère. Tous automatismes coupés, en vol horizontal, j’accélère lentement à partir de Mach 0.95, prêt à décélérer si nécessaire. Lentement, les chiffres du machmètre défilent pendant que j’analyse les effets en les commentant de vive voix. Rien d’anormal alors que je lis les 0.96 – 0.97 – 0.98 – 0.99. Il me semble que l’inversion prévue des déplacements du manche est moindre que calculée. L’indicateur Mach 1.00 surgit sans autre effet que son apparition. Puis 1.01 – 1.02 – 1.03 – 1.04 – L’inversion est nette mais sans problème. L’avion et son pilote sont prêts à continuer car l’absence de problème donne réellement envie de pousser plus loin. J’ai physiquement l’impression de contenir une machine ne demandant qu’à bondir de l’avant. Mach 1.05 – La limite fatidique est là. Je stabilise et fais quelques évolutions, toujours sans aucun problème. Après un bref conciliabule avec André et Henri nous décidons d’en rester à ce qui était prévu et à regret je parcours le chemin inverse jusqu’en subsonique. »
« A l’arrivée au parking il y a du monde et, dès les moteurs coupés, une échelle est vivement placée devant le nez de l’avion et un mécanicien y accroche ce qui semble être une pancarte trouée, et qui porte ces mots : « nous l’avons franchi ! ».
Pour en savoir plus, lire l’article : « Le premier transport supersonique. 1er octobre 1969, Concorde 001 dépasse Mach1 » par Jean Pinet.
Extrait du livre de Jean Pinet « Les Hommes de Concorde » Editions JPO www.editions-jpo.com
en vente 19,80€ sur laboutiqueconcordereference.fr