Par Pierre Grange
Quel destin que celui de Michel Rétif qui fête aujourd’hui ses 100 ans ! Enfant, il est attiré par les avions qui passent au-dessus de chez lui. En 1938, à l’âge de 15 ans, fort de son CAP de serrurier, il est embauché à Villacoublay à la Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Sud-Ouest. Il y restera finalement toute sa carrière puisque la SNCASO rejoindra Sud Aviation, puis Aérospatiale. Il est remarqué pour ses qualités qui lui permettront, au sortir de la guerre, de devenir mécanicien navigant puis mécanicien navigant d’essai.
Il prend la suite du chef mécanicien navigant d’essai Armand Raimbeau sur le programme SO-6000 Triton, un prototype révolutionnaire puisqu’il s’agit du premier avion à réaction français. Il se retrouve, à moins de 25 ans, aux côtés de prestigieux pilotes comme Daniel Rastel dont il deviendra « le » mécanicien, « Charlie » Goujon et Jacques Guignard avec qui il nouera une longue amitié. Le directeur du Bureau d’Etudes se nomme Lucien Servanty. Sans le savoir, en entrant à la SNCASO, Michel Rétif a pris une option pour Concorde. Dans ces années là, choisir les essais en vol est risqué. La décennie 50 – 60 qui permettra le renouveau de l’industrie aéronautique française sera coûteuse en vies humaines.
Du Triton au Concorde
Michel Rétif devient chef mécanicien navigant et responsable du projet Vautour, un avion sur lequel, associé à Jacques Guignard, il passera, pour la première fois le mur du son en piqué.
Une vingtaine d’année plus tard, dans le cockpit du 001, aux côtés d’André Turcat d’origine Nord-Aviation, on retrouvera Jacques Guignard, Henri Perrier et Michel Rétif , tous trois collègues et amis de la SNCASO. Comme l’a écrit Jean Pinet, chez Michel l’amitié n’est pas un vain mot.
L’équipage du 1er vol : Michel Rétif, André Turcat, Henri Perrier & Jacques Guignard
En charge de Concorde, il suit, dès 1966, la construction du prototype 001. Comme le dira plus tard André Turcat, il devient « l’encyclopédie de Concorde ». Il participera à toutes les grandes premières : 1er vol, 1er Mach 1, 1er Mach 2, 1ère traversée de l’Atlantique Nord. Michel Rétif ne s’est jamais départi de son calme. C’est ce qui fait dire à Jean Pinet qu’il est un « héros tranquille du supersonique ». Malgré tout, les essais en vol de Concorde ne furent pas un long fleuve tranquille. Michel Rétif était au poste mécanicien navigant lors des trois évènements les plus marquants : l’atterrissage du 001 présidentiel à Lajes sous un orage très violent, le vol 122 du prototype au cours duquel l’entrée d’air du moteur 4 allait être arrachée sur pompage et le vol de contrôle du système de protection haute incidence lorsque le 001 atteignit transitoirement une incidence extrême. A la fin de sa carrière professionnelle à Aéroformation, il en parlait volontiers aux stagiaires en qualification Concorde.
Pour terminer, laissons Jacques Noetinger nous parler de Michel Rétif : « De nature, il est modeste, il n’est pas un « champion du baratin ». Il donne même l’impression d’être timide. Sa vie privée est sans histoire, elle contribue à son équilibre, en compagnie de sa femme et de ses trois enfants. Sa famille ne lui reprochera jamais, sa passion et son dévouement total à son métier. A sa façon, elle l’aide par des encouragements tacites sans laisser déborder l’admiration secrète qu’elle ressent d’avoir en son sein un homme de valeur tant sur le plan professionnel que moral. » (*)
Bon anniversaire Monsieur Rétif !
PG
(*) Extrait d’un article paru en 1994 dans « Pionniers », la revue des Vieilles Tiges.
Voir le portrait de Michel Rétif ou pour tout savoir, lire son livre : « Le Mécano ».