Par Wolfgang Häg
Responsable des relations publiques d’Air France en Allemagne, durant 25 ans
Dans la revue Mach 2.02 (N°43 d’avril 2012), Jean Signoret évoquait le premier tour du monde Concorde, fruit de l’audace et de l’imagination de la Délégation Allemagne, réalisé du 15 novembre au 2 décembre 1986. C’est Christopher Behrens qui avait suivi ce dossier et deviendra, de ce fait, le spécialiste incontesté de Concorde au sein de la Délégation Allemagne. Il était donc tout à fait logique qu’il ait été impliqué sur le vol AF4590 du 25 juillet 2000 et c’est à ce titre qu’il figure dans la liste des victimes de ce tragique accident.
Chris Behrens est né le 17 octobre 1934 sur les bords de l’Atlantique à Avenel, dans le New Jersey – Etats-Unis. Ses grands-parents – grand-mère de Brême et grand-père de Norvège – avaient émigré d’Allemagne aux Etats-Unis dans les années 1920 marquées par l’inflation. Après la naissance de leur première fille, les parents de Chris décidèrent à leur tour d’émigrer aux Etats-Unis où le père de Chris fonda une société de construction et de peinture de maisons en bois. Chris comme ses sœurs était grand amateur de ski nautique. Après son service militaire à Fort Knox, vraisemblablement dans l’infanterie, dans le Kentucky, Chris travailla avec son père comme vendeur et démarcheur et il était entendu qu’il reprendrait la prospère entreprise familiale. Mais Chris, plus intéressé par le transport aérien, trouva un emploi chez Lufthansa, à l’aéroport d’Idlewild, aujourd’hui l’aéroport J.F. Kennedy.
A l’âge de 27 ans, Chris décida de visiter le pays natal de ses ancêtres pendant une année sabbatique. C’est ainsi qu’il se présenta à Air France Francfort et fut engagé. Comme tout nouvel agent commercial, il débuta à la réservation. En quelques minutes, il fut connu qu’un jeune et séduisant Américain à l’allure sportive était parmi nous. Qu’il ne parle pas un mot de français n’avait plus aucune importance : Chris, du haut de son 1,80 m, mince, blond aux yeux bleus et à la moustache soignée, avait le sourire irrésistible d’un grand timide.
L’expérience de démarchage et de ventes acquise dans l’entreprise paternelle fut une chance pour Air France. On lui demanda de démarcher les agences American Express en Allemagne qui traitaient des voyages de soldats américains stationnés en République Fédérale. Sa zone d’activité comprenait les bases US de Wiesbaden, Hahn, Ramstein, Darmstadt, Bitburg, Hanau et beaucoup d’autres. Il réussit à convaincre une partie conséquente des soldats américains à voler Air France et à transiter à Paris. Plus tard, il prit la responsabilité de la vente des voyages incentive. Il organisa ainsi tous les Tours du Monde Concorde.
Ce fut le cas le mardi 25 juillet 2000. Le supersonique, avec principalement des passagers allemands, devait au début de l’après midi voler vers New York. Chris avait comme d’habitude tout organisé, avec l’aide de deux collègues de Francfort, Annemarie Gillmann et Lilo Kraft, qui l’aidaient à accueillir les passagers en provenance des diverses escales en Allemagne. Alors que tous trois étaient à la porte d’embarquement, Chris remercia ses deux collègues et embarqua dans Concorde.
Gillmann et Kraft entendirent encore le bruit inimitable de Concorde au décollage et elles embarquèrent dans leur avion pour Francfort. « Soudainement, il fut demandé à tous de débarquer », se rappelle Lilo Kraft. Puis quelqu’un murmura que le Concorde s’était écrasé et avait disparu en flammes. Pour Annemarie Gillmann ce fut le choc de sa vie, elle éclata en pleurs. « Je n’oublierai jamais cela, la violence de mes sanglots était si forte que les collègues d’Air France m’isolèrent dans une petite pièce. Pendant le vol de retour, je pleurais toutes les larmes de mon corps. » Peu après toute l’Allemagne serait en deuil.
WH. Traduction Jean Signoret
Udo Zinsser, Chef du Secteur d’Action de Ventes de Francfort, offre à Chris un Oscar pour les tours du monde Concorde. Photos : Délégation Air France Francfort