Par Bernard Marchand
« Si ça continue, je vous arrête un moteur ! », nous lance soudainement Gilbert Barbaroux, le mécanicien navigant, les yeux rivés sur les paramètres d’huile réacteur. La voix est calme mais parfaitement déterminée.
Nous échangeons un bref regard, le commandant de bord Raymond Machavoine et moi. Je suis le pilote en fonction sur ce vol Concorde AF 001 à destination de New-York. Nous venons de partir de CDG ce 21 août 1987, et sommes en cap sur Evreux en attendant d’accélérer pour passer en supersonique sur la Manche.
La suite ne se fait guère attendre, Gilbert annonce : « je coupe le réacteur 3 » et s’active sur la manette de gaz, le robinet coupe-feu, les pompes carburant …, je dois me battre un court instant avec la gouverne de direction qui accuse soudainement une dissymétrie de poussée. Raymond, au micro a alerté le contrôle pour un retour à CDG et a demandé une zone de vidange. Déjà Gilbert a préparé la procédure : sélection des réservoirs, pompes en route, robinets vide-vite prêts à être actionnés. Pendant que je me prépare à un atterrissage au poids maximal permis, j’ai une pensée émue pour ces ménagères qui, peut-être, ont étendu du linge à sécher en dessous …
Grosse effervescence à l’arrivée au parking, mécaniciens en nombre, voitures de pompier, camion de refueling, nous gardons les passagers à bord, le fautif bouchon d’huile du 3 changé, les pleins sont complétés, procédure de débalourdage effectuée.
Nous repartons pour Kennedy à 11 heures 44 TU, nous n’avons que 2 heures 44 de retard par rapport à l’horaire initial ! … Pas si mal pour une panne moteur et un retour à CDG au bout d’1 heure 17 !
BM