Le suivi de navigabilité.
La question majeure fut de savoir si les nombreux incidents de pneu survenus depuis la mise en ligne de Concorde sont des précurseurs de l’accident du 25 juillet et le cas échéant évaluer la responsabilité des prévenus en charge du suivi de navigabilité du Concorde : Henri Perrier, Jacques Hérubel et Claude Frantzen.
L’incident grave de Washington de 1979 où l’avion a subi un double éclatement, a entraîné des modifications permettant qu’un tel scénario ne se reproduise pas. L’adjonction, en particulier, d’une alarme de sous-gonflage a fait qu’un double éclatement ne s’est jamais reproduit ensuite (y compris le 25 juillet).
La perforation subie le 25 juillet est d’un type nouveau.
– Par sa taille : le morceau d’intrados retrouvé sur la piste mesure 32cm x 32cm libérant le carburant au rythme de 80 litres par seconde. Précédemment, les perforations étaient de petites dimensions entraînant parfois de faibles fuites de carburant.
– Par son mode de rupture. La peau de réservoir a été déchirée par une pression venant de l’intérieur du réservoir et créée par le choc d’objets mous (débris de pneu) à très haute énergie en un emplacement différent du lieu de la déchirure. Précédemment, les ruptures se faisaient par perforation de l’extérieur vers l’intérieur d’objets durs (morceaux de jante par exemple).
– Le scénario du 25 juillet est inimaginable au vu des incidents précédents : une lamelle en titane tranchant l’enveloppe d’un pneu à une vitesse assez élevée pour interdire toute échappatoire à l’équipage.
Néanmoins la série d’incidents, montre que les pneus constituaient le tendon d’Achille de Concorde. L’équipement en pneus de technologie radiale, envisagée brièvement en 1988, n’aurait toutefois pas garanti qu’il n’éclate au passage sur la lamelle. En conséquence, les juges relaxent les prévenus au pénal comme au civil.
En revanche, concernant le risque incendie, mis en évidence après les incidents de 1993, le TGI de Pontoise considère qu’il y a eu négligence. « Dès lors que le risque existait, il peut être valablement reproché aux constructeurs, qu’ils soient français ou britanniques de ne pas l’avoir suffisamment pris en compte » (Jugement TGI Pontoise p.198).
En conséquence, il condamne la société EADS, responsable civilement des prévenus Henri Perrier et Jacques Hérubel, à acquitter une amende. Concernant Claude Frantzen le TGI de Pontoise se déclare incompétent pour statuer sur la responsabilité civile d’une administration.
La lamelle.
L’autre grand débat concerne la bande d’usure perdue par le DC10 de la Continental Airlines quelques minutes avant le décollage de l’AF4590. Elle est considérée comme l’élément causal initial de la catastrophe. Le chaudronnier John Taylor qui a effectué le remplacement de cette pièce et son supérieur Stanley Ford sont mis en cause ainsi que la Compagnie Continental Airlines à titre pénal et civil.
John Taylor est condamné pénalement pour faute caractérisée ainsi que la Compagnie Continental Airlines pour des « fautes de négligence commises par ses organes ou représentants ». En revanche, le Tribunal relaxe pénalement Stanley Ford (Jugement TGI Pontoise p.203 à 253)
Les verdicts
En conséquence les verdicts du TGI de Pontoise sont les suivants : (Jugement TGI Pontoise p.290 à 295)
Sur l’action publique (pénale) :
– Relaxe MM Henri Perrier, Jacques Hérubel, Claude Frantzen et Stanley Ford.
– Condamne
M. John Taylor à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et une amende contraventionnelle de 2 mille euros.
La société Continental Airlines à une amende délictuelle de 200 mille euros et une amende contraventionnelle de 2 mille euros.
Sur l’action civile :
– Déclare la société Continental Airlines et M. John Taylor tenus solidairement de réparer les conséquences dommageables de l’accident survenu le 25 juillet à Gonesse.
– Dit que la société EADS est tenue, en sa qualité de civilement responsable de MM. Henri Perrier et Jacques Hérubel, d’indemniser les préjudices consécutifs à la perte d’une chance dans les conditions et proportions précisées ci-dessous.
– Attribue différentes sommes aux parties civiles. (voir Jugement TGI Pontoise p.292 à 295)
Jugement rendu par le TGI de Pontoise le 6 décembre 2010 (texte intégral)