Pierre Franck et Alain Piccinini
Je fais partie de la promotion 1980 – 1983 de Vilgénis (*) et j’ai côtoyé Concorde dès 1982, lors de mon stage d’été. J’avais été affecté à l’équipe de mécanicien de M. Calais. Et cela a été mon premier contact avec ce bel oiseau blanc. Ce qui m’a marqué en premier, c’était l’odeur omniprésente de kérosène dès que l’on s’approchait de la structure. Je n’étais pas rassuré ! A Vilgénis on nous apprenait le zéro défaut et, pour moi, cela allait de pair avec zéro fuite. Mais cela m’a été vite expliqué et là je me suis dit que Concorde n’est vraiment pas comme les autres avions. Je me suis ensuite aguerri à entretenir ce merveilleux avion avec toute la dextérité nécessaire pour passer les mains dans les endroits où l’on se demandait si les ingénieurs avaient essayé d’y passer les leurs ! Un mécano m’avait dit : c’est un œuf supersonique il n’y a pas de place pour la poussière.
L’anecdote qui m’a le plus marqué s’est passée un matin en fin de vacation de nuit. Une reprise carburant en fin de procédure s’est terminée avec le Concorde posé sur les paupières [les tuyères moteurs ndlr]. En fait l’avion reposait sur sa roulette de queue, les tuyères étaient au ras du sol. Eh oui ! une minute d’inattention et le centrage est passé trop arrière. Le temps de fermer le robinet du réservoir 11 et le pointu s’est retrouvé fièrement le nez en l’air à plus de 10 mètres de haut c’était très impressionnant. Et là toutes les bonnes âmes présentes ont été réquisitionnées pour faire la chaîne à travers la cabine à partir de la porte arrière. Tels des fourmis nous nous passions des gueuses de 10 ou 20 kg vers l’avant. Nous avons fait redescendre avec la plus grande douceur notre Concorde ; une abattée telle un kiss.
Je me souviens de ce que mon fils, qui avait 6 ans, dit un jour à sa grand-mère alors qu’elle lui faisait remarquer le passage bruyant du Concorde au-dessus de notre maison. « Regarde l’avion dans le ciel comme il va vite ! » et mon fils lui rétorque : « mais Mamie ce n’est pas un avion, c’est le Concorde ! »
J’ai fait le mécanicien au départ également et je me souviens d’un départ compliqué. Le mécanicien navigant, M. Blanc, m’avait gentiment fait remplacer au casque parce que j’avais oublié de lui annoncer N1 positif dans le laps de temps imparti. C’était le reflet de Concorde : pas le temps de perdre du temps.
J’ai ensuite effectué mon service militaire en 1986 ce qui m’a éloigné du bel oiseau blanc. Je l’ai retrouvé en 1995 lorsque je m’occupais de programmer les checks A, B, les visites spéciales et autres chantiers carburant pour la division DM-QN. C’était passionnant de voir toute la logistique nécessaire pour atteindre la perfection auquel le Concorde était lié.
En 2000, juste après l’accident, j’ai rejoint les Opérations Aériennes au Bureau d’Information Technique de la Division A310. A sa fermeture, je me suis vu demander si le BIT Concorde m’intéressait … et là j’ai crû rêver. Oui j’allais reprendre du service pour le Concorde. Quel merveilleux souvenir d’avoir côtoyé les pilotes et particulièrement mon chef Mécano Navigant Alain Piccinini. Cela ne tiendrait pas dans 1000 lignes cela restera le plus beau moment, l’apogée de ma carrière.
J’ai participé aux événements de la fin de service de notre bel oiseau blanc. Quels souvenirs !
PF
(*) pour ton savoir sur Vilgénis, consultez le site de Dominique Otello.