Par Daniel Costes
Premiers vols en ligne sur Concorde : des souvenirs et une image, parmi d’autres … Notre vie, professionnelle ou quotidienne, est ponctuée d’anecdotes, de flashes visuels ou sonores, souvent anodins, quelquefois marquants, et qui, les uns comme les autres, restent gravés dans nos mémoires : en voici quelques-uns vécus lors de mes premiers vols en ligne.
Après le training à Châteauroux, je pars enfin en courrier le 14 mars 2002, avec Michel Rio, CDB instructeur, Bernard Colette, OMN et Jean-Michel Peloffy, OPL Renfort. Vol minutieusement préparé, après le cours ad-hoc en salle, dispensé par Gérard Duval. Le vol se déroule normalement, les conditions sont bonnes. Aux deux tiers de l’étape, alors que nous venons d’accrocher le premier VOR (*) d’Outre Atlantique, je me retourne un instant, et Jean-Michel me dit avec un sourire malicieux : « il n’y a que sur cet avion qu’on voit Gander deux heures après le décollage de Paris ! » Un moment plus tard, m’étant un peu loupé sur le top descente, je me trouve au-dessus du profil souhaitable dans le secteur de Nantucket ; l’occasion pour Michel, toujours très calme et pédagogue, « tiens, ça devient intéressant…», de me montrer l’utilisation des reverses sur les moteurs intérieurs qui constituent des aérofreins d’une efficacité redoutable … La suite fut standard.
Arrivé à JFK, Terminal 1 : en zone bagages, je vois venir vers moi une jolie brune, tout sourire et yeux bleus (Murielle) : « Bonjour Monsieur, que désirez vous sur votre plateau, pour le vol retour : homard, ou gigot ? » Je me suis dit alors « Tu as vraiment changé de catégorie ! » J’ai oublié ce que j’ai choisi, mais si elle m’avait donné sa préférence, je l’aurais volontiers invitée à dîner … Un autre jour peut-être.
20 avril 2003. AF001. Daniel Costes en début de croisière supersonique
Le 9 mai suivant, je suis lâché, et je pars avec Yannick Pluchon au poste OMN et Jean Prunin, CDB, un camarade plein d’humour, dont j’apprécie le sens du compagnonnage envers le débutant que je suis … Bien que toujours concentré, l’atmosphère s’allège un peu, et je savoure ce premier aboutissement.
J’ai emporté un appareil photo : une image souvenir après le débarquement, puis la navette nous emmène vers la Grosse Pomme, moi repassant mentalement le film du vol. Nous roulons sans encombre sur le freeway, quand, à la sortie du tunnel sous l’East River pour entrer dans Manhattan, je vois, surplombant la chaussée, une immense affiche de British Airways : une photo de l’avion, cabré et train sorti, pris de face, portant ce simple slogan « She’s back », suivant une tradition anglaise très ancienne de féminisation des navires et plus tard des « aeroplanes !! »
Juste le temps pour moi de sortir l’appareil de ma sacoche, un simple compact 24×36, et de shooter, à la volée, cette célébration du retour du Concorde à New York, après plus d’un an d’arrêt des vols, dans des conditions tragiques car peu après les attentats du 11 septembre ! De quoi illustrer mon album d’une image inattendue !
Le soir, sortie en équipage chez l’Argentin, nappes à carreaux rouges et blancs, suivie d’une nuit paisible, le Gato Negro aidant ! Ainsi fut ma prise de contact avec ce petit monde, pour une trop courte et inoubliable période, côtoyant des complices plutôt que des collègues …
DC
(*) VOR (VHF omnidirectionnal range). Système de navigation radioélectrique qui, à l’altitude de vol de Concorde, “accrochait” Gander (Terre-Neuve) à 300 miles nautiques, 2 heures de vol environ après le décollage de CDG.