Vol AFR 4332, une boucle pour boucler …

… ou la petite histoire du dernier vol commercial d’un Concorde d’Air France
Par Jean-Louis Chatelain

Il n’est pas courant de voir un avion passer à 500 mètres à la verticale de Paris Charles de Gaulle, et encore moins au cap nord, c’est-à-dire perpendiculaire aux axes des pistes. Ce fut là une délicate attention offerte aux nombreux spectateurs de ce 31 mai 2003, à l’occasion du dernier vol commercial d’un Concorde d’Air France. Jean-Louis Chatelain nous explique comment cela s’est fait.

Ce vol était affrété par Air Loisir Service… Saluons ici notre ami Michel Thorigny que l’on doit justement associer à l’histoire des vols commerciaux du Concorde. Il lui est ainsi revenu d’être le dernier affréteur d’un Concorde aux couleurs françaises. Pour cette journée historique, qui marquait par ailleurs la fin de l’exploitation du New York – Paris, Michel avait réservé à ses collaborateurs plusieurs sièges sur cette dernière boucle.

L’heureux équipage du vol 4332 était composé de Jean-Louis Chatelain, CDB, Béatrice Vialle, OPL, Daniel Vasseur, OMN, Jacques Martinet, Chef de cabine, assisté de Laurence Ledoux, Emmanuelle Kehr, Farida Ghomrani, Laurent Baudry, et Laurent Verbouwe.

Depuis l’annonce de l’arrêt d’exploitation le 11 avril, il ne s’était écoulé que trop peu de temps et tous les acteurs du Concorde (maintenance, PPV, piste, passage, équipages etc.) avaient à cœur de savourer les derniers moments d’une expérience professionnelle particulièrement exaltante. L’ambiance à Roissy était donc celle des grands jours. En plus des équipages et des équipes engagés sur les derniers vols, la plupart des membres de la famille Concorde, et de très nombreux autres collaborateurs d’Air France, d’ADP, du contrôle aérien etc… s’étaient rendus disponibles pour assister à cette fin de journée. L’après-midi allait ainsi finir en atmosphère de fête aérienne sur le premier aéroport français !

Pour cette dernière boucle supersonique au large de la Bretagne, ALS avait hélas refusé bien du monde, et c’est bien sûr 102 passagers qui ont embarqué sur le F-BVFB. Beaucoup de complicité accompagnait ce vol. Complicité entre les PNT, car ils avaient fait leur stage de qualification ensemble, avec les difficultés dues à l’arrêt d’exploitation (pendant 15 mois), et le choc des événements du 11 septembre 2001 (jour de leur premier vol d’entraînement !). Complicité entre les PNT et « leur avion », le FB, car l’équipage technique avait fait ses tous premiers vols d’entraînement sur le FB, et il était dit qu’il ferait son dernier vol sur ce même avion. Complicité entre les PNT et les PNC, car il en va toujours ainsi sur Concorde (et avec Jacques, notre chef de cabine, la bonne humeur est assurée). Bien sûr, aussi, complicité entre l’équipage et les équipes de mécanos (particulièrement affectés par cette fin du Concorde) et du passage etc.

Nous avions aussi gagné la complicité du contrôle aérien de CDG. En effet, notre amie Françoise Nissen, Ingénieur du contrôle et instructrice, nous avait rencontrés quelques jours auparavant. Nous avions prévu d’ajuster l’heure de départ de la « boucle » en fonction de l’heure effective du décollage de la 001 de JFK, de sorte que nous puissions faire arriver les deux vols Concorde en approche à CDG en même temps. Nous voulions en effet réaliser, « weather permitting », une approche en parallèle sur les deux pistes 26 L et R avec clairance de séparation à vue …. Spectacle garanti vu du sol ! Hélas, le moteur 4 du FB n’a pas voulu allumer…. Retour au parking, changement (par les mécanos, au rythme de la formule 1 !) de la boîte d’allumage et des allumeurs, et nouveau départ, trop en retard pour un retour simultané des deux Concorde (nous nous sommes en fait croisés du côté de Guernesey). Adieu notre approche simultanée !

Néanmoins nous avons eu droit, à notre retour, à un survol de Paris (à 6700 ft), à un survol d’Orly, puis à une traversée des axes à 1500 ft à la verticale de CDG de sorte que les nombreux spectateurs enthousiastes venus pour ces derniers vols puissent une dernière fois admirer la silhouette du bel oiseau.

Quelle ne fût pas notre surprise de constater, lors de la finale en piste 09R, que l’autoroute A1 était saturée de voitures et de spectateurs. Nous apprendrons plus tard que les gendarmes avaient carrément organisé le stationnement des voitures sur l’autoroute !!!

Béatrice, la seule Française à avoir piloté Concorde, nous a gratifié d’un très bel atterrissage, bravo Béatrice, et c’est alors que nous avons découvert l’accueil qui nous était réservé au sol : 37 minutes de roulage avant de rejoindre le terminal, escortés par de nombreux véhicules (Flyco, Pompiers, Gendarmes …) !!! Saluons aussi la bienveillance des collègues qui assuraient les autres vols à ce moment-là, car il y a eu de la perturbation ! Un seul regret : nous n’avons eu droit qu’aux sirènes des pompiers, alors même qu’à JFK les pompiers ont fait la haie d’honneur avec des gerbes tricolores ! Ainsi en a décidé le pusillanime chef des pompiers de CDG, au grand regret de tous, à commencer par les pompiers eux-mêmes, qui sont venus nous dire à l’arrivée combien ils étaient désolés…

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Daniel Vasseur, Béatrice Vialle et Jean-Louis Chatelain

Arrivés au parking, grande émotion : ils sont tous là, PNT et PNC de la division Concorde, et des centaines de personnels au sol. La journée se terminera par un passage traditionnel de l’équipage au cocktail d’ALS, puis une réunion entre PN à la salle Max Hymans du siège.

Equipage et amis sur l’aile pour une dernière photo

Assurément, comme l’a dit avec force André Turcat le 27 juin à Toulouse, Concorde, c’était bien 30 années de rêve qui ne sont pas dans les livres de compte !

JLC

Article paru en octobre 2008 dans la revue Mach 2.02