Par Richard H. Graham, ancien pilote de « Blackbird »
From « Flying the SR-71 Blackbird »
Le père du SR-71 fut Kelly Johnson, le fameux designer de chez Lockheed, qui devait créer aussi le P-38, le F-104 Starfighter et l’U-2. Après que les soviétiques aient abattu l’U-2 de Gary Powers en 1960, Johnson a commencé à étudier un avion espion qui volerait 5 kilomètres plus haut et 5 fois plus vite que le U-2, tout en restant capable de photographier, de là-haut, une plaque minéralogique. Ce fut le SR-71
Kelly Johnson, ingénieur en chef de Lockheed
Ce jour de 1986, ma mission consistait à prendre des photos des dommages que nos F-111 avaient occasionnés en Lybie. Khadafi avait tracé une « ligne de mort », une limite territoriale à travers le Golfe de Sidra, promettant d’abattre tout intrus qui traverserait cette limite. Le matin du 15 avril, je franchissais cette barrière à 3600 km/h, Mach 3+. Je pilotais un SR-71, l’avion le plus rapide au monde. En place arrière, celle du RSO (Reconnaissance Systems Officer), Walt, un major des Marines. Nous survolions alors la Libye et approchions de notre virage retour au-dessus d’un paysage désertique et désolé lorsque Walt m’informa qu’il venait de recevoir un signal de départ de missile. Tout de suite, j’augmentai notre vitesse. En calculant le temps nécessaire pour qu’un missile fusée sol-air capable de voler à Mach 5, vraisemblablement de type SAM-2 ou SAM-4, nous atteigne, j’estimais que nous pouvions le battre de vitesse avant notre virage, et maintenir ainsi notre profil de vol. C’était un pari sur les performances du SR71, où nos vies étaient en jeu. Après plusieurs longues et angoissantes secondes, nous fîmes notre virage retour vers la Méditerranée pour la rejoindre à pleine vitesse. « Tu peux peut-être réduire un peu » me suggéra Walt. C’est alors seulement que je réalisais que les manettes étaient toujours en butée avant. L’avion couvrait un kilomètre à la seconde, bien au-delà de notre limite de Mach 3.2. C’était le plus rapide que nous ne volerions jamais.
Le Blackbird nous apprenait toujours quelque chose. Chaque avion avait sa personnalité. Un jour, nous avons tous réalisé que nous volions sur un trésor national. Quand on roulait vers la piste, les gens nous remarquaient. Les voitures s’amassaient le long des clôtures de terrain, chacun voulait voir et entendre le puissant SR-71. Vous ne pouviez être dans ce programme et ne pas aimer cet avion.
Un jour, au-dessus de l’Arizona, nous écoutions le trafic radio de tous les « pauvres mortels » en dessous de nous. Un pilote de Cessna demande au contrôleur de lui donner sa vitesse sol. « 90 nœuds » répond le contrôleur. Tout de suite après, un Bonanza fait la même demande. « 120 » est la réponse. A notre étonnement, un F-18 de la Navy entre sur la fréquence et demande sa vitesse sol. Je savais bien qu’il disposait de l’information à bord mais qu’il voulait seulement impressionner les faucheurs de marguerite. « Dusty 52, je vous vois à 620 nœuds sol » réponds le contrôleur. C’était trop tentant. J’entends le bruit de l’alternat du micro de Walt qui, du siège arrière et de sa plus innocente voix, annonce que, stable à 81.000 pieds, il demande une vitesse sol. La réponse du contrôleur est calme et très professionnelle : « Aspen 20, je vous vois à 1982 nœuds sol ». Il n’y eut plus aucune transmission sur cette fréquence jusqu’à la côte.
Je suis fier d’avoir volé 500 heures dans cet avion. Je le connais bien. Il ne laissait la priorité à aucun autre avion, portant fièrement son tapis de bang à travers les arrières ennemis. Il a battu chaque missile, surclassé chaque MiG et nous a toujours ramenés à la maison. Dans ce premier centenaire du vol humain, aucun avion n’était aussi remarquable.
RHG
Les deux anecdotes ci-dessus sont tirées de « A Mach 3+ en SR-71 », un article plus exhaustif extrait lui aussi de « Flying the SR-71 Blackbird » by Col Richard H. Graham USAF.
Traduction Pierre Grange